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par Vincent Battesti

Il y a plusieurs manières de s’intéresser à la biodiversité d’un lieu et j’en ai essayées plusieurs sur ce terrain oasien de Siwa.

  1. la première est de recenser toutes les espèces cultivées des terres cultivées de Siwa. On peut aussi à s’intéresser aux catégorisations et classements que les membres de cette société utilisent pour « ranger » cette diversité,
  2. la seconde est de s’intéresser aussi à ce qui n’est pas cultivé : les plantes adventices des cultures, par exemple, en particulier celles reconnues, nommées par la population locale et souvent utilisées ; les oiseaux également avec inventaire de l’avifaune en correspondance avec les savoirs locaux à son égard,
  3. une troisième encore est de s’intéresser à une espèce reconnue telle par la science classificatoire botanique et d’explorer sa richesse intraspécifique : ici ce fut le palmier dattier (Phoenix dactylifera L.) et ses « variétés » ou « cultivars ».

Les deux premières approches sont en cours d’écriture.
La troisième est en cours de recherche.

 La richesse intraspécifique du palmier dattier à Siwa (Phoenix dactylifera L.).

Cette approche a exigé un long travail de terrain en Égypte, ethnologique et d’échantillonnage (à Siwa et autour de Siwa, dans le désert et les oasis antiques aujourd’hui abandonnées : voir la carte d’échantillonnage ci-dessous).

Cette approche a demandé aussi un très long travail bibliographique (essentiellement mené à New York [1]) et une collaboration interdisciplinaire avec des collègues de l’Institut de Botanique de Montpellier (Université Montpellier II Sciences et techniques du Languedoc, Centre de Bio-Archéologie et d’Écologie, UMR 5059).
Les échantillons récoltés autour de Siwa ont servi à plusieurs choses : à alimenter en données un travail de thèse sur les origines du palmier dattier [2], un travail de Master sur l’outil archéobotanique inventé autour de la morphologie des graines de dattiers [3] et une recherche commune.

J’ai conçu mon travail en deux étapes : la première [nom de code Siwa #0] consistait à écrire un (gros) article sur l’agrobiodiversité du dattier telle qu’on peut en parler à partir de données ethnographiques et ethnobotaniques et ceci est l’objet d’une première publication (L’agrobiodiversité du dattier (Phoenix dactylifera L.) dans l’oasis de Siwa (Égypte) : entre ce qui se dit, s’écrit et s’oublie) publié dans la Revue d’ethnoécologie). Ce fut l’objet aussi de nombreuses conférences (dont la première fut donnée à Oxford, au UK). Les résultats sont déjà très intéressants.

La seconde étape de ce travail [nom de code Siwa #1] fut d’écrire cette fois un article à plusieurs mains paru dans la revue Human Ecology qui mélange et tire conclusion de diverses expertises disciplinaires autour de ces palmiers dattiers de Siwa : que peuvent en dire l’association d’ethnographies et d’analyses morpho-génétiques ? Voir : Date palm agrobiodiversity (Phoenix dactylifera L.) in Siwa oasis, Egypt: combining ethnography, morphometry, and genetics.

La suite de ce premier article co-écrit avec Muriel Gros-Balthazard a été un article avec presque les mêmes auteurs [nom de code Siwa #2] dans la revue Evolutionary Applications, fournissant des résultats pionniers sur la diversité des palmiers dattiers cultivés et non cultivés à Siwa, toujours grâce à notre intégration de l’ethnographie et de la génétique des populations, permettant de mieux comprendre l’interaction entre la gestion de la diversité dans l’oasis (échelle du court terme), et les origines et la dynamique de la diversité à travers la domestication et la diversification (échelle du long terme). Voir : On the necessity of combining ethnobotany and genetics to assess agrobiodiversity and its evolution in crops : a case study on date palms (Phoenix dactylifera L.) in Siwa Oasis, Egypt.

Entretemps a été publié un article d’importance mais où ma contribution fut moindre : The Discovery of Wild Date Palms in Oman Reveals a Complex Domestication History Involving Centers in the Middle East and Africa.


Afficher Échantillonnage de dattiers de la région de Siwa (Égypte)/ par Vincent Battesti sur une carte plus grande
Phoenix dactylifera = Palmier-Dattier.
Redouté, Pierre Joseph, 1759-1840 — artist / Duhamel du Monceau, M., 1700-1782 — Author
Traité des arbres et arbustes que l’on cultive en France en pleine terre, 7 v. [1801-1819] : 498 col. pl. ; 42 cm.
Source : http://digitalgallery.nypl.org/nypl...
(This is actually the Egyptian doum palm, of course). | (Il s’agit en fait du palmier doum d’Egypte, bien entendu).


Contrairement à ce qu’indique la légende de ce dessin aux allures savantes de planche botanique, ce n’est pas un palmier dattier, Phœnix dactylifera L. 1753, qui est représenté : les fruits du dattier forment d’importants régimes de petits fruits, ses palmes ont la forme d’une plume (feuilles pennées) et non pas d’un éventail (feuilles palmées) comme sur cette image, et son stipe (ce qui lui sert de tronc) n’est jamais divisé.
Ces caractéristiques laissent penser qu’il s’agit plus probablement d’une représentation d’un palmier doum (Hyphaene thebaica (L.) Mart., 1838). (Cela dit, au moment de la gravure, le palmier doum n’avait pas encore été « inventé » en botanique.)

[1grâce à mon affiliation à NYU, recherche menée avec le support du Hagop Kevorkian Center for Near Eastern Studies, NYU (New York University)

[2Gros-Balthazard, Muriel, 2012 — Sur les origines, l’histoire évolutive et biogéographique du palmier-dattier (Phoenix dactylifera L .) : l’apport de la génétique et de la morphométrie. thèse de doctorat, Université Montpellier II Sciences et Techniques du Languedoc, École doctorale : Systèmes Intégrés en Biologie, Agronomie, Géosciences, Hydrosciences et Environnement (SIBAGHE), Montpellier, 377 p.

[3Ogéron, Clémence, 2012 — Caractérisation morphométrique et ethnographique de l’agrobiodiversité du palmier dattier (Phoenix dactylifera L.) dans l’oasis de Siwa (Égypte). mémoire de master I, Université Montpellier II Sciences et techniques du Languedoc, Centre de Bio-Archéologie et d’Écologie (UMR 5059) de l’Institut de Botanique de Montpellier, Montpellier, c, 17 pl., 24 p.