Dimension muséale, muséographique d’une culture matérielle en usage, sous vitrine et en réserve.

Je lis dans l’Encylcopædia universalis, à l’article « Archéologie du temps présent » rédigé par Jean-Paul Demoule :

« Les archéologues se sont aussi intéressés aux sociétés contemporaines traditionnelles, celles qu’étudient normalement les ethnologues. Mais ceux-ci se concentrent normalement sur des matériaux “nobles”, essentiellement les systèmes de parenté, les mythes, les cérémonies religieuses, etc. Les objets matériels ne sont que fort sommairement étudiés. C’est ainsi que s’est développée la discipline de l’ethnoarchéologie (…) » [1]

J’avoue que j’ai été un peu piqué au vif : comment ça, les ethnologues ne se concentrent que sur des matériaux « nobles » qui ne seraient pas les objets matériels… ?
En fait, il faut bien avouer que c’est vrai. D’ailleurs, Olivier Aurenche (1995) écrira :

« Pour faire court, on pourrait dire que l’archéologue étudie une société disparue, alors que l’ethnologue étudie une société vivante. Si l’objet de l’étude est le même, les méthodes cependant diffèrent : l’archéologue recourt aux seuls vestiges matériels de cette société sans avoir accès aux acteurs, tandis que l’ethnologue interroge les acteurs, sans toujours porter attention aux vestiges matériels » [2]

Je ne suis pas moi-même grand spécialiste des « systèmes de parenté, mythes et cérémonies religieuses », et même si je me concentre sur le rapport à l’environnement, y compris le matériel biologique et des outils techniques (agricoles surtout), il est vrai que je passe sans doute trop vite — comme beaucoup de mes collègues — sur la description minutieuse que mériterait la culture matérielle, par exemple de Siwa. Pourtant, je collectionne, et ce n’est pas que par goût de la collection. Réhabiliter la matière, le rapport à la matière, l’étude du geste et du contexte matériel de la vie sociale par la « culture matérielle » ? Il y a une décennie, on évacuait cette même culture matérielle pour les mêmes raisons qui me la font m’y intéresser :

« il se trouve encore, en ce début de XXIe siècle, des universités, et non des moins prestigieuses, pour inculquer aux étudiants en ethnologie la notion de « culture matérielle », cinquante ans après que Leroi-Gourhan a montré l’absurdité de cette expression qui suggère une coupure entre une activité matérielle et une activité intellectuelle ou spirituelle des sociétés. Et on fonde aujourd’hui encore des musées, et non des moindres, sur la notion d’objet alors qu’il a été établi par le même Leroi-Gourhan que l’objet n’est rien sans le geste qui l’anime et sans la chaîne opératoire qui lui donne son sens. » [3]

Voici, en attendant cette description minutieuse de la matière et des gestes, des photographies d’extraits de ma collection d’objets pour témoigner de la culture matérielle de l’oasis de Siwa en Égypte :
 Coll. vbat d’objets de l’oasis de Siwa

« Oasis de Siwa », vitrine du Musée de l’Homme, Trocadéro, 1934
Costume de femme mariée sous vitrine en 1934 au Musée de l’Homme.
Ces objets ne sont plus au Musée de l’Homme depuis que tous ses artefacts ethnologiques (et sa bibliothèque, iconothèque, etc.) ont été récupérés pour meubler le nouveau Musée du quai Branly.
Musée de l’Homme.