Toutes les versions de cet article : [English] [français]
Conf. (en français) donnée au séminaire de l’Axe transversal « Catégories, constructions et hybridations des savoirs », Thème : Catégories des uns, catégories des autres – Mise en correspondance entre catégories endogènes et catégories scientifiques.
UMR 7206 Éco-anthropologie et ethnobiologie, Muséum national d’histore naturelle,
Paris, le 9 octobre 2014, 9h30-12h30.
– Pourquoi les généticiens se trompent. Parler des palmiers dattiers de l’oasis de Siwa (désert libyque, Égypte)
[Un titre un peu provocateur pour faire venir les chercheurs utilisant les techniques génétiques dans leur travaux au Muséum.]
– En quelques mots :
On ne peut faire l’économie des sciences humaines et en particulier de l’ethnobotanique, de l’ethnoécologie ou de l’anthropologie (sociale) même pour quelque chose d’aussi trivial que l’estimation de la biodiversité des dattiers dans une oasis.
Je parle d’économie, et c’est pas seulement une figure de style, car ça a un coût : l’analyse génétique a ses coûts matériels et d’analyse, mais l’anthropologie a ses méthodes qui requièrent du temps de récolte et d’analyse des données qui n’est pas non plus à négliger.
Alors, ça coûte, mais pourquoi ne peut-on en faire l’économie ? Tout simplement, parce que l’on ne peut laisser en tête à tête des généticiens avec des palmiers. Si ce qui est recherché est la diversité du palmier dattier, on va donc échantillonner et soumettre à analyse. Mais plutôt que de diversité, on devrait parler d’ « agrobiodiversité ». Les palmiers à Siwa ne sont pas une population naturelle (on n’en connaît pas par ailleurs), mais une population régulée en très grande partie par l’homme.
Les généticiens évoqués ici sont au moins en partie conscient de l’aspect cultivé du dattier, car ne pouvant pas multiplier les extractions et le nombre de plaques de séquençage à l’infini (ça coûte du temps et de l’argent) :
- ils n’ont pas fait des prélèvements d’échantillons au hasard dans la population de xxx milliers d’individus de Phoenix dactylifera L. à Siwa
- ils se sont appuyés sur les catégorisations locales des dattiers pour faire et nommer leurs prélèvements.
Malheureusement, il n’y a pas correspondance entre les catégories (savantes) des généticiens — comme celle de cultivar — et les catégories locales qu’ils ont recueillies en partie pour nommer leurs « cultivars ».
Dans les travaux scientifiques, en particulier ceux qui testent les variations intra-variétales, il n’est jamais fait référence aux implications culturales que cela peut avoir, car : soit 1/ les variétés sont des clones comme attendu, car la technique officielle en quelque sorte, connue en tout cas, de reproduction des dattiers est le clonage, soit 2/ il y a contre toute attente des variations, dues soit à des mutations somatiques, soit à un mode cultural hétérodoxe.
Dans ma recherche bibliographique très large (…) sur les variétés de dattiers (dans l’espoir de démêler l’agrobiodiversité actuelle et son évolution) et l’accumulation de données contradictoires qui en résultait, j’espérais comme une planche de salut les travaux de collègues scientifiques experts du vivant. Finalement, ça va être aux sciences sociales de corriger leurs données.
– Cette conférence s’appuie largement sur un article publié, L’agrobiodiversité du dattier (Phoenix dactylifera L.) dans l’oasis de Siwa (Égypte) : entre ce qui se dit, s’écrit et s’oublie, et des travaux en cours, Date palm agrobiodiversity (Phoenix dactylifera L.) in Siwa oasis, Egypt : combining ethnography, morphometry, and genetics.