par Vincent Battesti

 1er novembre 2005. Grèce, Alexandroupolis – Thessalonique.
C’est un peu perturbant, tous les vieux au café tripotent des sortes de chapelets en discutant. La ville semble plus grande au jour et quand les magasins sont ouverts. Tout le monde se souhaite « kalo mina ! », un bon mois. 1er novembre, depuis un mois sur la route du retour et maintenant un froid de novembre. Mais j’ai encore mes gants de laine et le café est bon.

Depuis la frontière, le paysage est plutôt boisé, genre méditerranéen (calcaire, chêne vert). Avant de voir les champs de coton, tout le bord de route est plein de kapok, comme s’il avait neigé, une neige accrochée aux mauvaises herbes. Il a fallu en transporter des tonnes pour que cette écume blanchisse les herbes à ce point.

Komotini. Je fais des détours pour voir les villes. Je ne sais pas encore où je m’arrêterai dormir. En fait, on retrouve ici de vieilles mosquées blanches dans le tissu urbain. Je m’arrête voir une jolie église orthodoxe. En entrant, je me dis qu’au moins dans les églises, je n’ai pas à justifier ma présence comme dans les mosquées. Le bedeau me toise, un vieux avec un petit bonnet, une veste noire tachée. L’église est remplie d’icônes, du sol au plafond peint. Un détail sur l’une d’elle est émouvant, une jeune fille pleurant sur la dépouille d’une femme. À peine l’appareil photo sorti, le sacristain crie et me saute dessus comme si je pissais dans l’église et sans équivoque me jette dehors, quasiment avec voie de fait, il attend ensuite que je déguerpisse en s’allumant nerveusement une cigarette qu’il tient entre son majeur et son auriculaire. Je n’en reviens pas. Bon, je ne resterai pas à Komotini.

Meilleur accueil, de l’indifférence en fait, sur la route : un petit monastère sur pilotis au milieu d’un lac peuplé d’oiseaux, blanc ou noirs, genre martins-pêcheurs, hérons et pélicans. Lac Vistonida près de Porto-Lagos. Un moine donne à manger aux chats et son portable sonne, un autre bêche le jardin, un autre encore revient avec une paire de jumelle (un moine ornithologue ?), tandis que deux femmes s’emploient dévotement au ménage des deux chapelles, pleines d’icônes et d’ex-voto par dizaines (des jambes, des bébés, des enfants, des adultes, des yeux…). C’est une affaire qui roule.

Xanthi. J’essaye aussi le centre-ville. Circulation difficile ; un type zigzague en scooter et je tape avec mon pare-choc avant sa bécane. Pas de mal, mais le type, l’air (très) mauvais, m’engueule en postillonnant pour la petite rayure que je lui ai faite. Je dégage. Ville suivante…
Quand même, un mec sympa dans sa kantina qui vend des sandwiches (ça se fait beaucoup : une caravane ou un fourgon sur le bord de route).

Ça commence sérieusement à ressembler à l’image que je pouvais avoir de la Grèce, surtout après Xanthi. Je vois bientôt de nouveau la mer, souvent des hauteurs, et le soleil perce toujours au loin ces nuages pour plonger ses rayons dans les eaux. C’est beau. Et le soleil passe bientôt assez bas pour tout inonder d’or. Et les flics de me verbaliser pour excès de vitesse.

Thessaloniki, Thessalonique, Salonique. C’est une ville. Et un très grand centre-ville début XXe en bord de mer. C’est impressionnant. Mais aussi une ville débordante de vie, trop, et je vais réellement tourner plus d’une heure pour trouver UNE place pour me garer. Ce n’est qu’ensuite que je cherche un hôtel (rajouter une heure) qui ne soit pas à plus d’un kilomètre de ma place.
Plan sur la comète dans la chambre de mon hôtel, presque aussi vieillot que le précédent : j’ai trouvé à Alexandroupolis une carte d’Europe (à défaut de Yougoslavie). Si je veux m’arrêter un peu en Suisse… Il faut que je planifie un peu d’éventuelles étapes. Rester deux nuits à Thessalonique ? Macédoine, Albanie, Yougoslavie, Bosnie, Croatie, Slovénie ?… ça fait long. Se promener à pied en ville, le temps ici est agréable. La Sibérie a disparu.

 La suite par ici…