– Ici résumées, deux idées sur les questions de la biodiversité qui émergent de mon travail.
#1
L’oasis ne semble pas s’accorder à une « évidence » que propose Jacques BARRAU (1981), selon qui la modification des systèmes naturels du fait des sociétés humaines procède toujours du generalized au specialized, pour rester fidèle à la terminologie empruntée au Fundamentals of ecology de Eugene P. et Howard T. ODUM (1959), selon laquelle les écosystèmes generalized, à indice de diversité élevé, forte productivité et relative stabilité — la forêt tropicale humide par exemple — contrastent avec les specialized, à moindre indice de diversité, plus faible productivité et relative vulnérabilité — les steppes, par exemple : il y aurait érosion de la diversité et exigence d’apports constants et croissants d’énergie. Si le second terme est en accord avec ce que l’on peut observer pour le cadre de l’oasis, ce milieu est loin d’évoquer l’érosion génétique puisque sa biodiversité est considérablement plus riche que celle du milieu environnant ou originel, le désert proche. (…). Bien plus, l’oasis est source de biogenèse, « engendrant » de nouvelles variétés de plantes et de cultivars de dattiers (Phœnix dactylifera L., Arecaceae).
p. 16 in Battesti, Vincent, 2005, Jardins au désert, Évolution des pratiques et savoirs oasiens. Jérid tunisien, Paris, Éditions IRD.
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→ [bg jaune]En gros, l’idée est la suivante :[/bg jaune]
L’oasis forme avec sa palmeraie une bulle tout à fait artificielle : le travail obligatoire de l’homme pour maintenir cet écosystème est source de biodiversité : cela contredit Barrau pour qui les sociétés humaines modifient les systèmes naturels toujours dans le sens d’une érosion génétique ou un appauvrissement de la biodiversité. Le travail de l’homme, sa passion de la collection des cultivars (surtout pour le palmier) est source même de biogénèse.
#2
La pente naturelle semble à ce jour l’amalgame fait par tous des préoccupations qui tiennent de la préservation identitaire (diversité culturelle) et d’autres de la préservation éco/biologique (biodiversité). « Cette place accordée à la diversité et aux singularités des formes de vie peut rejoindre une attitude culturaliste visant à maintenir la spécificité de peuples et de traditions » (Lafaye & Thévenot 1993). La recherche elle-même fait cette assimilation aujourd’hui : le « développement d’un tourisme naturel et patrimonial peut permettre, en leur accordant une nouvelle valeur “marchande”, une protection de la biodiversité, des systèmes de production traditionnels et de la qualité des paysages »
p. 577 in Battesti, Vincent, 2009, « Tourisme d’oasis, Les mirages naturels et culturels d’une rencontre ? », Raout, Julien & Chabloz, Nadège (dirs), Cahiers d’études africaines, numéro spécial : Tourismes. La quête de soi par la pratique des autres, XLIX (1-2), 193-194, Paris, Éditions de l’EHESS, p. 551-581.
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Les métadiscours contemporains, même scientifiques, confondent abusivement les questions de la biodiversité et de la diversité culturelle. Les préservations de l’une et de l’autre sont l’objet d’attention et c’est sans doute louable, l’une et l’autre sont certainement liées, nos travaux le montrent, mais pour autant ce sont des objets qu’il faut bien distinguer : elle ne sont pas de même essence et ne sont pas les mêmes « patrimoines »…