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par Vincent Battesti

Les oasis du Jérid : des révolutions permanentes ?
Montpellier, CIRAD-SAR /INRAT, GRIDAO, 1997
ill., tab., 244 p. + 250 p. d’annexes
Fichier PDF : https://hal.science/halshs-00122843
Sur HAL sont déposées l’ensemble des données en accès ouvert des suivis annuels de propriétés oasiennes.
Sur le site du CIRAD : http://agritrop.cirad.fr/313496

Note : Depuis la version 3 déposée sur HAL (ci-dessus : voir les « Fichiers annexes »), des annexes sous la forme de 15 fichiers Excel accompagnent le nouveau fichier texte PDF ; ces fichiers contiennent l’ensemble des données chiffrées relatives au suivi des agriculteurs oasiens et de leur exploitation agricole au Jérid sur une année agricole. Ces données sont librement accessibles pour toute personne souhaitant les retraiter, les croiser, ou encore en approfondir l’analyse… souhaitant s’amuser faire encore parler ces données.

 Rapport rédigé dans le cadre du Projet « Recherche pour le développement de l’agriculture d’oasis »
 Partenaires :
INRAT / CRPh - Centre de recherches phœnicicoles, Degache -Tunisie
GRIDAO / CIRAD-SAR, Montpellier - France
 Financements :
Ministère tunisien de l’Agriculture & Ministère français des Affaires étrangères

 Date : Avril 1997.

Un grand remerciement aux personnes qui m’ont permis de partir en coopération malgré les innombrables difficultés, aux institutions française et tunisienne qui m’ont permis de l’effectuer et aux agriculteurs et amis qui m’ont accueilli et aidé en Tunisie.
Vincent Battesti, Montpellier, le 20 septembre 1996

 Résumé :
Dans le cadre du projet de développement de l’agriculture oasienne de la région du Jérid (Tunisie), ce travail propose l’établissement de références technico-économiques permettant de caractériser les différents systèmes de production. Il vise à offrir une « photographie » des types d’exploitation identifiés par la typologie du projet et en lien avec le zonage, tous deux issus des outils méthodologiques développés dans le cadre du programme..

 Extrait de l’introduction :

Ambition

L’oasis peut rapidement cristalliser des représentations très contradictoires. Il semble intéressant de partir de la notion de travail pour aborder la réalité oasienne du Jérid tunisien. Le travail est en effet soit minimisé par le tourisme (par exemple), qui verrait en l’oasis un paysage spontané sans agriculture, havre de repos, soit maximisé par l’administration (par exemple), qui y verrait uniquement des terres agricoles. Il semble donc utile de tenter de redonner au travail, à l’action sur la terre et sur le matériel biologique, sa juste place. L’oasis sous sa forme productive ne survit que par l’apport de l’énergie du travail humain, mais, qualitativement, il est faux d’affirmer que cet apport se fait exclusivement selon des vues productivistes. Autrement dit, l’agriculteur ne cherche pas à « maximiser son profit ». Que fait-il donc dans son jardin ?

Quant à savoir si ce travail est plus efficace maintenant qu’autrefois ou l’inverse, tant par la quantité que la qualité, si l’oasis traverse effectivement une crise structurelle, il demeure nécessaire de se plonger plus avant dans la réalité vécue du Jérid.

L’ambition de ce travail est de proposer une étude ancrée dans le présent (de 1994 à 1996) et d’éviter l’erreur, non d’une profondeur historique, mais de verser dans une atemporalité descriptive. Cela est nécessaire si l’on veut prendre conscience des évolutions. L’analyse se construit de manière centrifuge ou inductive, partant du particulier pour dessiner progressivement des catégories pertinentes. Cette manière ne définit pas a priori les catégories, mais les fait émerger depuis les détails observés à la structuration agraire du Jérid.

Nous proposons par la suite des références technico-socio-économiques sur la marche de l’agriculture d’oasis comme autant de « photographies » du fonctionnement de différents types de jardins issus de différentes zones, accompagnées d’une analyse des stratégies et trajectoires entre les différents « états ». Au niveau de l’étude, l’intérêt d’un suivi socio-économique des exploitations est de descendre au plus petit item qui aura probablement ses problématiques propres par rapport à l’échelle du zonage (dont l’unité géographique retenue est celle de l’AIC [1] ou de l’oasis), zonage qui demeure toutefois un outil précieux et indispensable.

Contexte

Ce programme de recherche et ses actions s’inscrivent dans le cadre du projet de coopération franco-tunisien (GRIDAO [2]/INRAT [3]) visant le développement de l’agriculture d’oasis dans la région du Jérid (Tunisie). La démarche des recherches réalisées consiste surtout en l’établissement de références technico-économiques (RTE) et, plus généralement, en l’identification des systèmes de production oasiens du Jérid. Ces travaux ont été réalisés sous les statuts de « coopérant du service national », puis de contractuel avec le CIRAD [4] en poste au Centre de recherches phœnicicoles à Degache de l’INRAT [5], de novembre 1994 à mai 1996, en parallèle d’un doctorat en anthropologie sociale (Université Paris V - Sorbonne/Muséum national d’Histoire naturelle) sur le thème d’une socioécologie de l’oasis.

L’avant-dernier comité de pilotage du projet (début 1995) soulignait le fort déficit d’informations techniques et socioéconomiques sur les exploitations agricoles oasiennes. C’est pour faire suite à ces recommandations qu’ont été mises en place l’acquisition de ces références technico-économiques.

Limitation du travail

Ce travail s’insère dans le cadre plus large de ce projet de coopération franco-tunisien et dans celui de ma thèse (à soutenir en 1997). Ceci expliquera les limitations volontaires imposées à ce rapport quant aux sujets abordés. Il ne s’agit pas de présenter un travail à caractère ethnosociologique ou anthropologique malgré de nombreuses notes personnelles, car elles seront plus pertinemment incluses dans le travail de thèse, ainsi que les réflexions d’ordre socioécologiques. Il ne s’agit pas non plus de proposer une analyse géographique de l’agriculture du Jérid, car, au sein du projet, une telle recherche a déjà été menée [6]. Il en est de même pour le problème de l’eau dans les oasis de la région, sciemment écarté de l’analyse, de nombreux travaux s’y consacrant :

  • sur une oasis du Jérid : JUSSERAND Y. - Gestion de l’eau dans l’oasis de Nefta Beni Ali, déc. 1994, CIRAD/SAR, Montpellier, INRAT/CRPh, GRIDAO, CNEARC,
  • sur une région voisine d’oasis : BEDOUCHA G. - « L’eau, l’amie du puissant », Une communauté oasienne du Sud tunisien, Paris, coll. Ordres sociaux, Éd. des Archives contemporaines, 1987, publié avec le concours du C.N.R.S. et du C.N.L., avt-propos, index, 28 pl., 47 fig., glossaire, bibl., 427 p.,
  • sur le Maghreb en général : PÉRENNES J.-J. - L’eau et les hommes au Maghreb, Contribution à une politique de l’eau en Méditerranée, Paris, Coll. « Hommes et sociétés », éd. Karthala, publ. avec le concours du CNRS, 1993, préface de Jacques BETHEMONT, avt-propos de l’auteur, index, bibl. (25 p.), 143 tab., 81 fig., 646 p.]].
    Ces études reposent souvent sur l’hypothèse, à mon avis, trop réductrice que cette ressource rare est l’axe pertinent explicatif du fonctionnement oasien. Nous nous limiterons ici aux rapports des populations à leurs espaces cultivés sans rappeler les grandes lignes classiques sur les oasis.

Conclusion…

L’oasis est un milieu très complexe comme nous avons pu en avoir un aperçu.

La complexité de l’oasis tient à sa situation d’équilibre écologique et à sa connexion — qui n’a jamais été inexistante — de plus en plus flagrante au marché, pour le pire et pour le meilleur. Une complexité du biologique et de l’inorganique, mais y est inextricablement attachée la complexité du social (ou du socioécologique). Le Jérid est un exemple d’agriculture qui n’en est pas toujours une, au sens productiviste du terme.

Son approche demande donc beaucoup d’attentions afin que les perturbations ne lui soient pas néfastes, mais au contraire profitables, lui assurant une meilleure assise.

La place du diagnostic est donc primordiale. Son élaboration doit tenir compte des effets d’échelles qui peuvent peut-être faire croire aux mirages. La théorie hiérarchique semble un outil intéressant sur ce point. Ce rapport insiste assez sur cette idée de révolution permanente qui relativise le sentiment de crise et propose une dynamique engagée vers un futur construit par tous les acteurs plutôt qu’un repli sur soi et sur son passé.

Les oasis du Jérid : des révolutions permanentes ?
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[1Association d’intérêt collectif

[2Groupe de recherche et d’information pour le développement de l’agriculture d’oasis

[3Institut national de la recherche agronomique de Tunisie

[4Centre international de recherche agronomique pour le développement

[5Institut national de recherche agronomique de Tunisie

[6CONFORTI J. - Agronomie oasienne - Tunisie, Dynamique agraire dans le Jérid, Mirages et réalités, Montpellier, GRIDAO, INRAT-CRPh, CIRAD-SAR, Univ. Paris I (IEDES), 1992, bibl. (28 p.), 124 p.