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par Vincent Battesti

Conférence.
Colloque « Accords et à cris », Études pluridisciplinaires sur la sonorité.
Organisé par l’Association Shadoc - UFR Sciences humaines et Arts de Poitiers.
Les 5 et 6 décembre 2007 à la Maison des Sciences de l’Homme et et de la Société à Poitiers.

Il a été tiré un article de cette conférence. Voir Ambiances sonores du Caire : proposer une anthropologie des environnements sonores.



 Résumé :

Cette contribution propose d’accorder un intérêt à cette matière intangible qu’est la sonorité d’un lieu qui, non seulement, découle des activités menées en son sein (définition passive), mais peut être également une construction collective volontaire (définition active), et composante essentielle d’appréciation d’un espace par ses usagers.
Au sein du Caire et de sa « gangue sonore », le wast el-balad, le centre-ville XIXe siècle, possède dans le tissu urbain de la mégapole une identité spécifique attribuée par les citadins. Abordée en termes écologiques, la ville est un ensemble de territoires spécialisés faisant système et ce quartier central a alors ses propres fonctions : aujourd’hui, plus qu’un quartier de résidences ou même de pouvoir, il est « l’ancien quartier de la bourgeoisie », et c’est à ce titre qu’il est massivement investi par les promeneurs des classes moyennes et populaires.
Loin de ne tenir pourtant que de l’anecdotique ou d’un simple arrière-plan sonore, l’ambiance est précisément la qualité première invoquée par les citadins pour expliquer leur déambulation ici et non pas là, justifier leur appréciation des lieux. L’ambiance, dont la composante sonore est essentielle au Caire, est une part objectivée de la « beauté » d’un espace urbain. Que cet espace soit structuré en fonction du végétal (jardins publics) ou minéral (centre-ville), ce qui importe est « l’âme » des lieux, qui ne se manifeste que par la coprésence d’autres humains, émetteurs sonores.
Dans Le Caire des sorties, l’ambiance ne « fonctionne » que si la densité est aussi élevée que dans son quartier d’origine populaire. Vrai paradoxe, ces ambiances urbaines quasi-agrestes (on pique-nique sur les bancs, sur des ronds-points) se créent au sein même et sans se soustraire et s’abstraire d’un environnement saturé de gens, d’odeurs, de pollutions urbaines… et de sons. En fait, nos promeneurs viennent ici apprécier l’ambiance urbaine, prendre part au spectacle que la ville engendre en se regardant elle-même, en s’entendant elle-même aussi dira-t-on. Le paysage sonore du centre-ville a alors sa propre signature. Cette signature est analysable, décomposable (inventaire des différents bruits), mais c’est le rendu d’ensemble (voir les enregistrements audio) qui prend sens.
Le principe qui semble le mieux régir la politique populaire de la sonorité est celui de la saturation à l’instar des fêtes de mariages populaires et des mouleds où les musiques électroamplifiées (aux effets électroacoustiques évités ailleurs qu’en Égypte) emplissent volontairement les airs, sans partage. Aux moments exceptionnels de fêtes, bien entendu, répondent des moments plus quotidiens, où la saturation sonore est moindre mais la signature toute aussi évidente à chacun. Comment qualifier ces espaces sonores, comment les analyser, que peut-on dire de leur production et des normes qui les régissent ? et, si les ambiances sonores peuvent être décrits comme des décors de l’instant, quels jeux d’acteurs permettent-ils alors ?

Plaquette du programme.
Colloque « Accords et à cris », Études pluridisciplinaires sur la sonorité.
Organisé par Shadoc, à Poitiers.
5 et 6 décembre 2007 à la Maison des Sciences de l’Homme et et de la Société.

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