– 10 novembre 2005. Ljubljana (Slovénie) – Saint Gallen (Suisse).
Le petit déjeuner est copieux et je vise da Suisse pour aujourd’hui, la carte sur la table. Je passe trop de temps à écrire mon blog sur internet et il est midi, même 13h locales quand je quitte la chambre de mon bel hôtel.
Direction d’abord Villach, en Autriche. Tout le long jusqu’en Suisse, on sent la pesanteur d’états nationaux : les panneaux indicateurs indiquent de préférences le dernier petit village de leur territoire plutôt que la grande ville étrangère juste au-delà de la frontière. Sur la route brumeuse, les grands pins, les haras et leurs vertes prairies, ça sent l’Autriche.
Tandis que j’étais entré calmement en Slovénie avec la FM sur Radio Slovenia en musique de chambre, je poursuis dans le brouillard avec de la musique philharmonique autrichienne. Après un premier tunnel qui interfère sur ma radio, le brouillard est encore là, au loin cette fois-ci, mais le soleil brille sur les Alpes, il n’y a pas de doutes, ce sont les Alpes. Les maisons ne ressemblent plus à des chalets, ce sont des chalets.
Je mangeais encore mon énorme sandwich croate de Pasjak (excellente charcuterie) quand est arrivée la frontière autrichienne. Ils ont encore une police des frontières ! On ne veut pas les débaucher ? Elle contrôle les passeports et pour moi évidemment les documents de voitures. Ils hésitent en haussant les épaules, ma carte grise en arabe entre les mains… bon. Ils laissent passer.
Ensuite, tout n’est plus question que de cartes postales : l’Autriche qui voudrait se caricaturer.Des montagnes noires et sévères, mais des prairies riantes et vert tendre, des compositions pastorales et bucoliques, l’air est frais et printanier. Des châteaux sont perchés comme il se doit sur les reliefs au-dessus des villages. C’est le pays de Heidi. Je réalise que mon voyage d’automne dans l’est méditerranéen a déjà un peu pris fin.
Au nord jusqu’à Villach, puis ouest par Lienz, en délaissant l’autoroute. Je passe en Italie sans m’en rendre compte (la radio FM locale passe des tubes italiens en langue autrichienne), Brunico puis plus loin de nouveau je remonte au nord. Toute la région est globalement identique, des jolies montagnes et des jolis chalets. De bonnes petites routes serpentant entre les doux reliefs et passant dans les villages. Je m’arrête régulièrement pour faire le plein de caféine. Je reprends l’autoroute vers Innsbruck en Autriche encore (enfin, vu de l’Italie, c’est vers Brenner – à peine visible sur ma carte). En Autriche, la nuit est tombée, mais l’autoroute est maintenant directe pour la Suisse et Saint Gallen. Mon amie Marianne m’attend pour ce soir, j’espère y être pour 20h. J’ai encore un doute sur la direction (qui indique Bregenz et non Saint Gallen) et pour m’en assurer je m’arrête dans une des stations services d’autoroute.Il fait chaud dedans, c’est agréable, café et sandwich, mais je me rends compte que toute la ligne des personnes au comptoir avec moi, visiblement des routiers, sont en train de tranquillement picoler des demis de bière autrichienne. Un petit frisson quand j’imagine que c’est ça que je dois doubler dans la nuit ou dans les tunnels.
Des tunnels, des tunnels encore, des tunnels incroyablement longs (et chers), des dizaines de kilomètres sous terre e toujours en descente, on en sort pour encore descendre. À force de descendre j’ai peur de ne jamais ressortir à la surface. Et… et la Suisse. « Allez-y passez. » Je les trouve très tranquilles à la frontière. Sauf que je confond l’autrichienne et la suisse. Et la Suisse, c’est plus pointilleux. Il est 20h30.
Je dois m’arrêter sur le côté et arrêter le moteur. Ça ne parle pas tout à fait français par ici, même en douanes. Papiers, documents… Au bout d’un moment, ils sont les premiers à se rendre compte que ma carte grise n’est pas un original mais une copie. Il était temps. Je leur dit « bien sûr, c’est une copie, l’original est avec les douanes égyptiennes. » Ça les fait rire, un rire moqueur.
_ « Je travaillais en Égypte et…
« Non !!
« Euh… je travaillais en Égypte…
« Non !!
« Bon. »
Ce qui est énervant aussi, c’est les Suisses qui rigolent en apercevant ma voiture immatriculée en arabe arrêtée sur le bas côté par la douane. Abrutis. D’autres ont un regard pour mes plaques, pour moi et me saluent de la main pour me souhaiter gentiment bon courage. Merci. J’ai froid, je claque des dents et les douaniers suisses me redéfont entièrement ma voiture. Pfff… Franchement, si je transportais des quantités d’armes ou d’explosifs ou de pamphlets islamistes demandant la mort des Suisses, je ne voyagerais pas avec une voiture immatriculée en Égypte, ça me semble de bon sens. Les douaniers suisses ne semblent pas le partager. Tout cela reste extrêmement cordiale, même si c’est extrêmement énervant. 22h : « c’est tout bien, tip-top, vous pouvez y aller. » Je ne dis pas merci et la musique malienne d’Amadou & Mariam me réchauffe dans la voiture pour les trente kilomètres restant.
Messages
Peut-être que les Suisses rigolent parcequ’ils se doutent que tu aimes bien Gainsbourg.