par Vincent Battesti

 25 octobre 2005. Turquie, Pamukkale. Après-midi.

Je voulais voir ces formations calcaires, cette curiosité géologique des travertins. Je ne suis pas le seul. Très touristique, c’est vrai. Arrivé au soleil couchant (et quand il se couche, il ferme la lumière en même temps), c’est plein de monde. Je passe à travers Hierapolis (qu’en dire, plein de vieilles pierres ? ah oui, ces curieuses tombes tumulus…) pour voir ça : une eau tellement calcaire qu’une machine à laver n’en voudrait pas qui, en se refroidissant, dépose des couches de talc blanc protéiformes qui finissent pas former des baignoires ou plutôt des rizières minérales enneigées.

Le soleil disparaît bientôt rougissant, tout le monde descend à la queue leu leu sur cette drôle de neige, puis soudain un grillon, les gens ne parlent plus et l’on n’entend plus que les clapotis des pieds nus dans le calcaire et la lointaine rumeur de la route, là-bas, en bas. Ça n’a duré que 20 secondes avant que de nouveau des voix reprennent, 20 secondes… curieusement suspendues.

Heureusement qu’il y a les vieux Japonais, il manquerait quelque chose ; sans ironie, c’est beaucoup plus joli avec eux. Une femme nippone, pantalon retroussé, semble goûter avec beaucoup d’intérêt le glissement de la boue grise entre ses orteils.

Un hôtel au hasard, côté campagne. Jolie maison. Je suis le seul client. Le propriétaire et son employé décident que ce n’est pas assez pour se priver de rentrer chez eux. « Bon, vous serez seul alors. Si vous sortez, fermez la porte et prenez la clef. Sentez-vous comme chez vous ! À demain pour le petit déjeuner ! » Ils me laissent tout, l’ordi et internet, la paire de Ray-Ban, les cuisines… et ils ne connaissent même pas mon nom et n’ont pas mes papiers. Je dîne chez des voisins, une Turque née en Allemagne fait à manger, et je me promène dans la campagne nuit noire avec un chiot qui m’a adopté.

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