par Vincent Battesti

 19 octobre 2005. Syrie, Alep.

Erreur : non, en fait je préférais le Liban et son ramadan invisible. Je ne suis pas toujours d’humeur à supporter la mauvaise humeur des jeûneurs. Et j’en ai marre de devoir me priver de cigarettes, par ailleurs (même si j’ai décidé d’arrêter en France, ce n’est pas encore l’heure et ce sera ma décision par une imposition).

À part ça, Alep me plaît bien. Beaucoup. Je peux maintenant oublier tous les autres souks de mon voyage : celui-ci les résume et les amplifie tous. C’est énorme. Rues couvertes et non couvertes, de la vieille ville ou du quartier arménien. De la vieille pierre vivante, en veux-tu en voilà. Impression de cosmopolitisme malgré tout, des enseignes en quatre alphabets, ce n’est pas banal (arabe, latin, grec et arménien). Et puis ces lieux de mosquées et ces églises aussi, de tous les rites, maronites, grecs orthodoxes, catholiques syriens…

Le temps : j’avais oublié, le régime des pluies en Méditerranée, ça flotte à l’automne. Ça n’a pas manqué aujourd’hui. Orage le matin, trombes l’après-midi. J’ai donc enrichi ma panoplie itinérante d’un parapluie bon marché et que je vais perdre quelque part, comme d’habitude.

Après l’iftar, je me suis réfugié dans ma chambre d’hôtel, le Venezia (dont le proprio est l’ami d’un ami), pour travailler un peu. Levant la tête, il faisait nuit noire déjà. J’ai ouvert la porte-fenêtre sur la rue et j’ai regardé Alep et j’ai éclaté de rire. Je suis à Alep... Mais qu’est-ce que je fous à Alep !?... n’importe quoi. Voyage immobile me semble-t-il. Je suis là, non, je suis là, j’ai la sensation de bouger sur une carte.

La Syrie... Quelque chose de très accueillant, très gentil, vraiment, mais aussi très hypocrite. Juste mes ressentis du moment (parce que j’ai poussé au bout cette logique avec un marchand cet après-midi ?). Ça n’empêche que j’aime bien Alep quand même. Je vais rester deux ou trois jours. Il ne faut pas trop que je tarde, je voudrais me garder du temps pour découvrir ce que l’on me jure splendide : la Turquie. Et puis, je veux voir l’ex-Yougoslavie.

Promenade dans le quartier arménien. L’ami d’un ami, Abu Khaled, me fait la visite avec le prétexte de m’emmener aux bouquinistes : aïe ! quasi rien. Le Caire et milliers de tonnes de bouquins est une exception, heureux d’en avoir profiter à temps. Plus tard et seul, discussion aussi avec un fondeur arménien, un vieux à qui d’autres vieux viennent rendre visite dans son atelier magasin.

Ce soir, rendez-vous à 21h, au lieu-dit taht el-‘ala’a, sous la citadelle, aux cafés qui ont leur terrasses et leur bruyants joueurs de rami. Et avant ça, j’aimerais faire des emplettes, repasser devant les confiseurs alépins, sous les vieilles arcades de pierres, à quelques ruelles de la mosquée Omeyyade ; on n’a pas idée, des bonbons de pâtes d’abricot qui provoquent des catatonies de la mâchoire. Je ne préfère même pas évoquer les nuga (nougats) aux amandes…

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