par Vincent Battesti

 4 octobre. Jordanie.
Départ très tôt de Pétra au petit matin, dès 6h 15. C’est le petit matin, les rayons du soleil seraient rasants si nous étions en plaine, en tout cas, le monde est doré à la lumière de l’astre matinal. Le monde est calme, mais légèrement éveillé déjà. La veille au soir, tandis que je cherchais un endroit pour prendre mon café, un groupe de jeunes de Pétra, tout excité, m’interpella pour m’annoncer que demain serait le grand jour, le début du Ramadan ! Sans doute que le mufti venait de statuer sur la forme de la lune…

Alors, Pétra ? C’est exactement comme dans les brochures touristiques (même mes photos). Je les avais à peine regardées, mais j’avais en tête, malgré tout, toute son iconographie. Au point que, bizarrement, la splendeur de Pétra ne m’a pas étonné, m’a semblé naturelle. C’est beau, qu’en dire de plus ? Il faut marcher, beaucoup, et d’un pas forcé, car j’étais arrivé tard et il fait maintenant nuit tôt (dès 18h). C’est en remontant la vallée dans la pénombre et en repassant une seconde fois devant ces immense tombes aux allures de palais grandioses, taillées dans la roche même des parois de la falaise que je remarquais vraiment cette folie que sont ces constructions. Une tombe haut perchée en particulier m’a plu : elle a été recyclée un moment comme église, son plafond est très élevé et comme ses murs de toutes les couleurs, un camaïeu de rouge, les couleurs farfelues d’une sédimentation géologique aux prétentions artistiques. L’écho et la réverbération sonores de l’édifice (que je me suis amusé à enregistrer avec mon MD) sont impressionnants. Quand j’ai rejoint ma voiture la nuit était tombée complètement. J’ai rejoint le haut du village pour trouver un hôtel, choisi au hasard comme à Aqaba (je n’ai toujours pas de guide).

Dîner dans un restaurant pour touristes, faussement accueillant pour backpackers et j’ai choisi de boire mon café ailleurs. Dans cet ailleurs, aussi un café pour touristes (je n’en ai pas trouvé de locaux), j’ai fait la rencontre d’Anne V., une sorte de gavroche ingénieur des Ponts et chaussées, éprise critique de Pétra et qui écrit (elle n’en a pas décidé la forme, épistolaire ? par chapitres ?) une sociologie du quotidien de Pétra, entre ville du bas (des « vrais » Bédouins déplacés des ruines) et ville du haut. Elle y réside depuis de nombreuses années et a sillonné la région en cheval. Elle me promet de m’envoyer des parties de son travail ; je suis très curieux de la lire (« Je veux décrire la vraie vie quotidienne, avec ce qu’elle a de beau et ce qu’elle a de moche. »).
(Il faut que j’arrête de prendre des notes en conduisant, je vais tomber dans un ravin.)

 7h30. Après plusieurs arrêts et après avoir pris en stop deux fois des gens (dont un petit garçon qui tenait par le cou un poulet blanc, vivant, et sa grand-mère toute de noir vêtue), j’arrive à Dhana (ou Dana) au terme d’une longue descente le pied sur le frein. Pas facile à trouver ce village, je ne savais pas à quoi m’attendre. Et bien c’est beau. Visiblement une « nature reserve » avec le PNUD qui y fait de l’écotourisme. Joli village de pierre, en ruine et rafistolé, sur son éperon rocheux au-dessus du vide. Ça sent la Méditerranée, ma Méditerranée : l’odeur du petit maquis, de la sauge, du thym, des chèvres et ajoutons-y des panoramas à couper le souffle et filer le vertige. Ça y est, c’est vraiment ici que je ne regrette plus le voyage. Que finalement, ça valait bien le coup des tracasseries administratives.
Piaillement des oiseaux, des enfants qui vont à l’école, le berger qui conduit ses bêtes et cette odeur matinale très curieusement, c’est troublant, identique aux montagnes corses. La brume se lève, dégageant le Wadi Dhana, une formation d’oiseaux noirs aux ailes jaunes tourne au-dessus de ma tête. Un silence à entendre ses oreilles bourdonner.

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