par Vincent Battesti

« La RUMEUR D’ISTANBUL. Même aux moments où je ne lui ai pas prêté la moindre attention et me suis senti le plus solitaire, toute la journée, à l’instar des dix millions d’autres habitants, j’ai entendu gronder la rumeur de la ville : klaxons de voiture, ronflements d’autobus, pétarades de moteur, bruits de chantier, cris d’enfants, haut-parleurs des minarets et des camionnettes des marchands ambulants, sirènes de bateaux, sirènes de voitures de police, sirènes d’ambulances, cassettes déversant leur musique de partout, claquements de portes, fermeture de rideaux de fer, téléphones, sonnettes de porte, altercations dans les bouchons et aux carrefours, sifflets de policiers, cars de ramassage scolaire… Et comme chaque jour, vers le crépuscule, un semblant de silence parut régner quelques instants ; des nuées d’hirondelles passèrent en poussant des cris perçants au-dessus du cyprès et du mûrier du jardin où donnent les pièces du fond de l’appartement qui me sert de bureau. De ma table de travail, j’ai vu les lumières et les lueurs des écrans de télévision s’allumer peu à peu dans les appartements des immeubles alentour. »

p. 34-35 in Orhan Pamuk, D’autres couleurs, traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, 2009 (pour la traduction française), Gallimard, collection Du monde entier, 560 p.
ISBN : 9782070786602

Merci à Marie Roué pour ce bel extrait.