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Conf. (en français) donnée dans le cadre du Colloque international « Quelles ambiances urbaines dans les oasis du sud de la Méditerranée ? » du Programme Zerka
Sidi Bou Saïd (Tunisie), les 17 & 18 octobre 2016.
Le présent colloque souhaite interroger l’urbanisation des oasis de la Méditerranée à travers la question des ambiances afin de rendre compte d’un ensemble d’enjeux touchant à la gouvernance urbaine contemporaine et aux conceptions actuelles de l’aménagement des cités oasiennes.
– Fuir le bruit et la fureur : Les ambiances des jardins de palmeraie dans l’oasis de Siwa (Égypte)
– Présentation :
Assurément, ces dernières décennies, la petite cité de Siwa a changé : elle s’étale, les habitations comme les manières d’habiter changent. Mais quid de l’ambiance ?
Sans jamais vraiment mettre en mot la notion d’ambiance, elle est souvent spontanément déclinée avec une mise en contraste entre l’ambiance de la maison et/ou du village et l’ambiance du jardin : on aime le jardin et travailler au jardin, loin, en substance, du bruit et de la fureur (de l’agitation, à mes oreilles toute relative, évidemment) de la maison ou du village.
La partie de l’ambiance la plus en évolution est l’ambiance sonore, à ne point en douter et les acteurs déclinent eux-mêmes des marqueurs objectifs : depuis quelques années les appels à la prière qui rythment les jours sont sonorisés, le son des moteurs de motos ou triporteurs remplacent celui des braiments des ânes. Bientôt, des motoculteurs aussi viendront faire taire les chants et les appels ou les éclats de voix des agriculteurs. Mais c’est aussi au jardin que l’on respire, que l’on se repose l’esprit tout en vouant son corps au dur et viril labeur, qu’on se change les idées, qu’on s’apaise.
L’ambiance qui nous intéresse n’est pas celle que nous pourrions nous (observateurs extérieurs) ressentir de prime abord ou bien celle qui serait objectivable de l’extérieur, mais celle vécue et recherchée par les acteurs des palmeraies oasiennes, une ambiance intégrée, directement reliée à des activités (chanter, discuter, se reposer, travailler, se retrouver). Cette ambiance du jardin de palmeraie, lieu de travail et espace socialisé échappant à la logique productive, résulte du travail et de pratiques quasi épicuriennes. Cela renvoie à une « esthétique fonctionnelle » dans laquelle « le sentiment esthétique réside dans la relation satisfaisante entre le sujet et le monde qui l’entoure » (Leroi-Gourhan, 1956).
Les ambiances se modifient donc avec l’urbanisation et la motorisation, l’électrification de l’éclairage aussi (l’éclairage, qui fait fuir les djinns), les téléphones portables aussi qui permettent la reproduction au jardin de soirées (toujours musicales) entre amis et de nouvelles manières d’interagir, plus à distance, entre voisins jardiniers. Ces changements modifient en une petite quinzaine d’années aussi les rythmes de vie (rapidité des flux, des parcours) et le lien entre l’habitat et l’habiter. Néanmoins, ces ambiances, qualifiées ici d’intégrées et qui évoluent, ne s’imposent pas tout à fait aux habitants dans leur nouveauté : ces habitants en sont les acteurs.