« La seule difficulté est que cet état de réceptivité aiguë que constitue l’émotion poétique — une minute heureuse — n’est pas, encore une fois, homogène et constant. Il est intermittent, parce que lié à la temporalité. Puisque nous sommes insérés dans l’espace et le temps, nous ne pouvons pas vivre d’une manière continue dans cet état d’éternité. Nous vivons en effet de ces deux régimes : par notre corps dans l’espace-temps ; par les profondeurs psychiques dans le non-espace-temps. Et il y a une constante interférence entre les deux. Nous passons de l’étincelle de l’un à la discontinuité laborieuse de l’autre. C’est une navette continuelle entre les oasis et les espaces arides entre elles.
« Quand je disais tout à l’heure qu’il y a une chute fatale, à partir de la fulgurance, dans le langage où vous allez vous exprimer, j’ai toujours comme comparaison la sortie du paradis et l’entrée dans la temporalité. Il est évident que cette chute, dans la perspective où je me place, apparaît aussi comme le passage d’une éternité heureuse, où tout est perçu de manière globale, à la discontinuité du savoir. À la séparation. »
Retranscription de notes manuscrites (feuille volante) du 03/03/01 à Seyun (Yémen) à la lecture de :
p. 30, Georges Haldas – L’échec fertile, Entretiens avec Claire Bourgeois, Vénissieux (France), Eds Paroles d’Aube, 1996, 127 p.