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Intermède : une nuit à l’hôtel (de police).

Vincent Battesti

 8/9 novembre 2005. Croatie – Frontière Pasjak – Opatija - Rijeka. - puis Ljubljana (Slovénie).
Je retrouve mon stylo, c’est presque ce qui m’a le plus manqué. Comment raconter cet intermède touristique peu banal ? De façon tragique (il y a de quoi), comique (idem), ironique (idem)… ? Pour le faire simple, ce sera chronologique, avec les horaires que j’eus à ma connaissance, car je n’ai pas gardé ma montre très longtemps et que ce ne sont pas vraiment les kilomètres qui comptent ici.

13h56 – environ 14h30 – 15h – 16h50 – environ 19h – 23h15 – 4h45 – 8h30 – 12h – 12h25 – 13h30 – 15h – 16h30 – 17h40 – 18h – 18h30 – 20h15

13h56, le 8 novembre : je quitte Rijeka, j’ai enfin trouvé la bonne route, et sur l’autoroute qui mène à la frontière slovène, je fais le plein pour me débarrasser de mes derniers kuna croates. Le ticket de caisse note donc presque 14h.

Environ 14h30, pas plus, j’arrive à la frontière, côté croate. Passeport ? passeport. Green card ? Carte verte. Permis ? permis. « Vos plaques ? c’est de l’arabe ? », « Oui, c’est de l’arabe, d’Égypte. » « Mettez-vous sur le côté. » pfff… (toutes les discussions jusqu’à la fin de cet intermède sont en anglo-croate).

15h. Heure officielle du procès-verbal. Ils sortent tout, je dis tout, de la voiture. Puis, ils fouillent tout. « Où sont les armes ? » « Quelles armes ? » « Les guns ! et la drogue, l’héroïne, où elle est ? » « Bah non, je n’ai rien de tout ça, vous savez, j’ai traversé plus de dix pays et je travaillais pour le ministère français des Affaires étrangères en Égypte… » (à chaque fois que je l’ai sortie, cette phrase, ça m’a porté la poisse). Ils vont plus loin que les fouilles habituelles. Dans une petite poche de mon sac de voyage vert Delsey (le seul qui me reste à vrai dire), un des douaniers (le jeune) sort une miette de… haschisch. « C’est quoi, ça !? » « Ça, c’est du haschisch on dirait. C’était où ? À vrai dire, monsieur, je ne savais même pas que c’était là. Ça doit y être depuis des mois, d’avant mon départ d’Égypte. » (et je ne sais même pas d’où ça vient.) « De la drogue ! du haschisch… » répète-t-il en scrutant ce machin minuscule plus petit qu’une tête d’épingle. Cette fois-ci, ils ne feront pas comme leurs collègues de la frontière sud, ils ne vont rien casser dans mes affaires, mais ils vont TOUT défaire, tous les paquets de confiseries, tous les bibelots, mettre de côté ma faucille turque (arme dangereuse), démonter les hauts-parleurs (à moi de tout remonter), examiner mes chaussettes sales, tourner chaque pages de mes livres, ouvrir chaque CD, tester l’essence, fouiller dans le moteur, examiner si la rouille au fond de mon bidon d’essence vide est bien de la rouille, couper en deux mes savons (« explosives ? »), et me demander à chaque fois comme un absurde inventaire douaniers à la Prévert : « That ? » c’est un livre, c’est un slip sale, c’est une brosse à dents, un paquet de cigarettes, une carte routière, du tissu syrien, c’est un litre de gnole croate… amusant, ils ne tiquent pas là-dessus, alors qu’il y aurait de quoi me mettre par terre pour plusieurs jours, tandis que la miette de résine de cannabis n’aurait aucun effet sur personne. Il n’empêche, ils ne cessent de me répéter l’air méchant et prêts à me dessouder « Où est (le reste de) la drogue ?! et les guns ?! ».
Le douanier chef me dit que je vais pouvoir partir, mais que je devrais revenir le lendemain matin au tribunal. « Au tribunal ! mais je voulais aller en Slovénie ! » « Oui, mais vous reviendrez demain matin à 8h pour le tribunal. » Le premier d’une longue suite de mensonges policiers. À ce stade, je ne me voyais pas revenir (pas folle la guêpe… avec des terreurs pareilles…) et me préparais à un destin de criminel en fuite. Papiers à remplir ? papiers à remplir. Pesée de la saisie : la balance n’est pas assez fine, c’est un pèse-lettre électronique jusqu’à 200g et une précision de 0,1g. La saisie sur la balance, elle reste à 0,0g. Ils décident de l’estimer à 0,2g contre mon avis. Interrogatoire absurde : « Où comptiez-vous revendre la drogue ? À quel prix ? À quel prix l’avez-vous acheté ? Nom et adresse de la personne qui vous l’a vendue ? etc. » Plus tard : « Tu devrais t’en sortir avec 50 euros d’amende. » À ce stade, c’était assez ridicule, j’étais un peu angoissé tout de même, mais amusé par tant de paperasses pour me laisser filer avec un litre de grappa croate dans le coffre. Cette humeur en demi-teinte, mi-mi, a été la constante avec variations. Ne jamais croire un policier : il te rend les papiers de voiture, t’autorise à fumer (on m’avait interdit de fumer dehors !), te dit qu’après ça tu es libre et paf, il ferme la porte du bureau : « déshabille-toi ! » Consterné, pas loin de l’humiliation, baisser son pantalon devant l’autorité qui scrute avec des gants blancs.

16h50. Dernière fois que j’ai vu ma montre. Le flic me dit qu’il ne peut pas me surveiller, il a un autre travail, il doit donc m’enfermer dans une pièce sombre. Plus de lacets à mes chaussures (pour ne pas me pendre), plus de stylo (pour ne pas me l’enfoncer dans le cœur), plus de clopes (pour m’emmerder), plus rien en fait. « Mais combien de temps je dois rester là-dedans ? cinq minutes ? » « Non, une heure, c’est la réglementation. » Un heure après, après avoir souvent entendu parler de droga dans le couloir, on me demande si – en accord avec la convention de Vienne – je souhaite appeler un avocat, mes parents ou mon ambassade. Non merci. Puis on m’annonce que finalement, je vais aller au tribunal demain matin à 8h, mais que d’ici là je dormirai en prison, à Opatija (à 20 km d’ici). Là, je commence à flipper, peur d’un scénario à la Midnight Express. Je suis en fait passé par tous les stades de sentiments contradictoires : on va me foutre en tôle pour l’exemple, montrer que la Croatie peut aussi rentrer dans l’UE, et je pensais à cette demie miette de cannabis et je me disais non, pas possible. Je me rassurais en me souvenant de ces deux copines allemandes qui avaient oublié un sac à main à Menton. Ils l’ont retrouvé au commissariat. Le flic : « C’est à vous ? vous avez de la chance qu’on l’ait trouvé !! Ah, et l’on a trouvé du haschisch dedans. Vous savez, c’est interdit en France » et on le leur avait rendu, il y avait deux fois 3g, pas 0,1g comme dans mon cas. On se raccroche à ces histoires, mais ce moment d’enfermement, de détention, d’enfermement, d’emprisonnement a été dur, je n’ai pas fais le malin, car on s’applique à mal te traiter (sans vraie présomption d’innocence). On m’avait promis de pouvoir fumer ?, la douanière aboyait « No ! later ! » sans me rendre ma politesse. J’avais froid, très froid. La nuit était apparemment tombée, mais je n’en savais rien en fait.

Environ 19h. C’est l’heure que me donnent trois types qui me rejoignent dans mes trois mètres carrés de prison. Des Albanais, non, Kosovars, non, Albanais qui ont des problèmes de papiers. L’un est électricien, l’autre étudiant en mécanique, c’est tout ce que j’ai pu comprendre. Ils ont l’air plus déprimés que moi, mais finalement bavardent ensuite à tout rompre de leur voix grave. Moi, je m’endors, me réveille de cauchemars, me rendors, me réveille… j’essaye de ne pas penser à mes pieds gelés et à mon horizon de 50 cm. Mon stylo me manque, ma montre aussi, et j’ai relu déjà plusieurs fois les trois cartes de visite qui traînent dans ma poche et les graffitis incompréhensible aux murs. Certains remontent à 1998, certains sont assez longs pour supposer une détention qui n’a pas duré qu’une heure. (…) Après tout, il y a des gens bien plus malheureux que moi ailleurs.
Au bout d’un temps indéterminé, on nous sort de là pour nous mettre dans un fourgon super blindé tous les quatre. Contrairement à ce que l’on m’avait promis, je n’ai pas pu récupérer d’affaires dans ma voiture (chaussettes et livre). Après une vingtaine de kilomètres dans la nuit (et sans lumière dans le fourgon), on me descend seul à un commissariat d’Opatija. Je gamberge sur le sort des gens que les Gestapo du monde conduisent à la mort : ils doivent être aussi passifs et obéissants que moi. Que faire ? Rien, la réponse n’est pas dans les films d’action.

23h15. Aussitôt descendu au commissariat, les deux flics de permanence m’enregistrent à cette heure-là. C’est la première chose que je leur demande « what time is it, please ? » Le vieux grisonnant lit son journal, le second jeune s’occupe de moi et est plutôt sympa (complexe de Stockholm mis à part). « Pfff, ça aurait été moi, je vous aurais laissé partir pour si peu. Maintenant que vous êtes là, par contre… » J’ai le droit de fumer une clope et de payer un café au distributeur automatique. Je suis naze, j’avais aussi roulé toute la journée. « Demain matin 8h, vous allez au tribunal et après vous êtes libre. » « Mais je vais dormir ici ? vous avez des lits ? » Il est un peu surpris, « euh, pas vraiment, ce sont des planches en bois, mais il y a des couvertures. » Parmi les trois geôles (toutes vides) des sous-sols, j’ai le privilège de choisir dans laquelle je vais être cadenassé. « Dans deux ou trois heures, vous pouvez m’appeler pou aller aux toilettes ou fumer une cigarette. » Il faudra que je tambourine, je rue même sur l’épaisse porte en bois pour qu’il m’entende de là-haut.
Dès que je suis rentré dans ce commissariat, mon moral s’est bien mieux porté. L’ambiance commissariat, presque familière, me rassurait, avec des vrais flics et pas ces espèces de hors-la-loi des frontières.

3h45. Je dors apparemment bien, mais me réveille en sursaut en me demandant où je suis. Pas dans mes rêves. Le flic descend, bruits de grosses clefs et de gros verrous, « what time is it, please ? » et me laisse fumer une clope dans le couloir. « Je suis tout seul maintenant dans l’hôtel de police. » On parle. Il est fier de me dire qu’il a appris l’anglais sans l’école, car sa copine (croate) travaille à New York.
Ce que je présume être le petit matin, un autre flic viendra me demander quelque chose. J’ai compris « Vincent ? », mais finalement c’était « vécé ? » (WC). Non, je dors.

8h30. Un autre flic encore m’ouvre, lui en civil, mais toujours avec son gros pistolet et ses menottes et autres gadgets à la ceinture. Cette fois, il dit bien « Vincent ? » mais il connaît déjà la réponse. Interrogatoire pour la forme dans son bureau d’inspecteur de la krim. « Je dois vous dire vos droits… » que je ne suis pas obligé de répondre à ses questions qui seront : si je veux téléphoner (avocat, parents, ambassade) et d’où provient la miette de cannabis. Puis il me dit « vous savez, si ça avait été moi à la frontière… eux, ils s’ennuient là-bas, ils n’ont rien à faire surtout le soir… alors dès qu’ils trouvent quelque chose… Nous on n’a pas le temps en ville, on a d’autres chats à fouetter. » On ne peut pas dire que c’est l’effervescence non plus, ce n’est pas comme à Istanbul, plein de filles pleurant sur le vol de leur sac à main et de types ensanglantés pour raisons inconnues, mais je ne le détrompe surtout pas. « Ah, au fait, je sais ce n’est pas juste, mais on ne peut pas aller voir le juge à 8h, car vous devez avoir un traducteur dans votre langue, c’est la loi, et ça ne peut pas être avant 13h. Je sais, c’est long, mais bon. Et votre temps en prison sera décompté de l’amende. » Amusant, cette fois on va me payer pour dormir à l’hôtel (de police, certes).
Par mansuétude et « parce que vous n’êtes pas un vrai criminel ; qui n’a pas fumé de haschisch ? » il me laisse presque une heure à la lumière du jour près de la réception du commissariat. Je ne demande plus rien, par peur qu’on me remette au cachot. J’ai le temps de me demander pourquoi le fabricant de radiateur (chauffage central) avait décidé d’assembler 11 éléments verticaux plutôt que 10 ou 12. Je craque, je demande à acheter des cigarettes, ça me manque et du coup on ne m’en file pas et l’on me refout au trou.

12h. « Vécé ? ». Bon ok, ça me fait changer d’air jusqu’au bout du couloir (même s’il est plutôt irrespirable dans les toilettes). Dans ma cellule, je ne savais plus quoi faire après avoir dormi, chanté, sifflé, tambouriné à la porte pour voir si quelqu’un descendrait (non), fait des pompes (je vois pourquoi les détenus font de la musculation), fait un peu de capoeira dans le noir…

12h25. Un autre flic en tenue me sort de là : « tribunal ». Il a un air méchant, mais finalement, il se détend dans la voiture. « Français ? il y a des gros problèmes à Paris ! » (tous les flics me l’ont dit). « Comment ça va ? » (en français). Son oncle habite à Montélimar et il a appris trois phrases de ses retours en vacances en Croatie. En fin de compte, après m’avoir dit non pour les cigarettes (« Je n’ai pas le droit », « ok, je comprends »), il va s’arrêter m’en prendre et me laisser en fumer une sur le parking du tribunal. La ville semble riante sous le soleil, il y a du soleil, les maisons coquettes. « Après Dubrovnik, c’est la ville principale pour le tourisme, Opatija » me dit-il pas peu fier. Il est d’ici.
On me confie à un autre flic qui me demande de m’asseoir devant le bureau du juge. On attend. Finalement, la traductrice arrive (elle me confiera plus tard que tout cela est de la faute de la plaque en arabe – je maudis encore une fois Saber au Caire), et l’on me présente à la juge. C’est expédié en 15 mn, traductions (couci-couça) comprises : le code pénal conseille entre 5000 et 20000 kuna (= FF) d’amende. Mais vu les circonstances, la juge ne m’inflige que 1000 kuna, plus 100 de dossiers, plus 50 de dossiers encore, plus 150 de traduction, moins 300 kuna pour le temps de prison, ce qui fait (me montrant son addition sur son brouillon) : 1000 kuna, 150 euros.

13h30. On va payer avec le flic le mandat à la banque (je change mes dollars). Mille francs, après tout, c’est une journée de salaire en Égypte pour un expat. Ensuite, au commissariat, on me fait encore attendre. Je retrouve mes trois Albanais, non, Kosovars, non Albanais. Moi, je suis détendu, eux tirent vraiment une sale tronche, je ne sais pas ce qu’ils ont subi, mais je préfère être dans mon cas, avec un passeport français.

14h45. Je retrouve mon passeport, mes lacets, mon stylo, mon carnet, ma montre etc. Je suis libre. « Et pour retrouver ma voiture à la frontière ? La juge m’a dit qu’une voiture de police pourrait m’y reconduire, ou bien que… » Non, il y a des taxis ou le bus : n° 32 puis 30. » je n’attends pas trop, 20 minutes passées à discuter sur le ban de l’abribus en anglo-italien avec une femme, 50 ans peut-être, mais qui les cache, élégante fausse blonde extravertie, qui revient de Venise. Elle y habite pour moitié du temps, elle est férue d’astrologie (première question qu’elle me pose : mon signe) et j’apprends plus tard qu’elle est avocate. « J’aurais pu avoir besoin de vous… ! » Quand elle apprend pourquoi… elle fait ce geste très italien, qui voudrait dire « attends » en Égypte, « la peur » en France et « n’importe quoi ! » en italien. « Pour si peu ? vraiment ! » Au moins, j’aurais connu la compassion des autres. Là, je suis dehors, je me sens libre et léger surtout. C’est curieux cette sensation de légèreté. Cette avocate est réconfortante : dans le bus, elle m’assure que mon horoscope (croate) est tout bon. Sauf entre les 17 et 20 novembre, où les finances vont être en baisse et que ça commence déjà à descendre (en effet). Mais sinon, bonne communication pour investir dans l’immobilier, il faut s’habiller de noir (comme je le suis) pour rester mystérieux, les amours ça va, la santé aussi, j’aurais de bonnes opportunités de gagner de l’argent, mais dans des pays étrangers et par ailleurs, c’est le moment de faire fructifier mon travail et mes idées de boulots antérieurs.

16h30. J’attends à Rijeka et je prends enfin le bus pour Pasijak, le village frontalier. Une heure plus tard, après le tour des villages de montagne dans la nuit froide, j’y suis, mais petite confusion avec une jeune femme (le genre « je parle bien anglais, mais pas tant que ça, mais bon, je veux quand même t’en imposer ») qui me garantit dans le bus que 1/ de toutes façons, le policier sur la route va me contrôler et je ne pourrai pas passer (connasse), 2/ qu’il faut que je descende plus loin (ce qui était faux). Au presque terminus dans la nuit d’une froide forêt, un ados plus rigolo et dernier passager du bus m’informe avec la complicité du chauffeur qu’il faut que je descende là, et que je le reprenne à 18h05 en sens inverse jusqu’à Pula et de là, il y a l’ancienne route qu’on peut prendre à pied. Merci, hvala !

17h40. J’attends dans la nuit, dans un tout petit village rural, mais dont l’abribus est graffité comme dans une ville de banlieue. Un type, jeune, se rapproche, tourne un peu, puis attend dans l’abribus tandis que je cours après un chat pour m’amuser (ils ne sont pas tous gris la nuit) et vais respirer l’odeur d’une rose rose sans odeur. Mon haleine fait de la vapeur, je remonte mon col. Je suis étonné de pas être seul à attendre le bus. Le type hèle un copain à lui que je n’avais pas vu, qui s’approche craintivement et là, c’est la meilleure : ce dernier passe au premier un sac plastique transparent rempli d’herbe, de marijuana, j’en mettrais volontiers ma main à couper que c’était bien 500g d’herbe qui passaient (presque) sous mes yeux. Non, il n’attendait pas le bus et ils ont disparu pour rejoindre un autre groupe de jeunes qui venaient d’apparaître et s’engouffrer dans une vieille maison. J’en suis resté un peu abasourdi. Puis, seul, dans cette nuit inconnue, j’ai littéralement éclaté de rire. Que faire d’autre ?

18h30. Je passe la frontière croate sans problème « Yes, go ! », et après avoir remis de l’ordre dans mes affaires défaites par les douaniers, démarreur, je passe à peine la seconde que je dépasse le panneau bleu aux douze étoiles européennes et je me sens chez moi, peu importe le pays, la province européenne. Bonjour messieurs les douaniers européens ! La voiture ? oui, une plaque arabe, je la mets sur le côté ?
Compter deux heures de sortie de tous les bagages, examen de ce qui avait été examiné, tous les bibelots, vêtements et chaussettes sales, ordinateur, mes copies de plans du Caire et d’Alexandrie (ça, ça a toujours posé un problème, je ne sais pas pourquoi), etc., etc. Observation approfondie de la voiture, de l’habitacle à la torche électrique, du moteur, des portières, réservoirs, pare-chocs etc. à l’endoscope… Courtoisie en plus, certes, mais questions aussi débiles que de rigueur : pourquoi je ne suis pas revenu en avion, à quoi me sert ce papier, pourquoi j’écris sur du papier, si je suis français… ça, ça les tracasse beaucoup. « J’ai un passeport français ». « Oui, mais votre nationalité ? » « Bah je suis français. » « Oui, mais votre nationalité ? »… etc. On me fait entrer dans un bureau, m’asseoir et l’on me fait passer un test assez stupide (je demanderai et l’on me confirmera que c’est pour vérifier si je suis bien français, en fait si je parle français, eux non en tout cas) où il faut mettre en chiffres trois cent soixante-six et quatre cent soixante-quinze, dessiner deux cercles et un quadrilatère, mon prénom, ma date de naissance et ville de naissance dans le désordre, montrer la page 14 de mon passeport, montrer l’argent que j’ai sur moi etc. À la fin, ils ont dit : « merci et excusez-nous, pas de problème, vous pouvez y aller. »

22h. Après une petite route nationale (l’autoroute croate s’arrête curieusement à la frontière), dans un épais brouillard et la campagne, je suis à Ljubljana, capitale slovène. Curieuse. Bien propre et froide, petite, comme si Toulouse ou Montpellier se déclaraient capitales elles aussi, pistes cyclables, un décor très propret. Une boîte de nuit dans un sous-sol qui joue du jazz et les vélos des clients garés devant. C’est un peu comme si cette ville postulait au décor d’un Sissi l’impératrice moderne. Je ne trouve pas d’hôtel en dessous de deux étoiles. Allez, j’ai besoin d’un peu de repos.

 La suite par ici…

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Vincent Battesti , "Intermède : une nuit à l’hôtel (de police). " (en ligne), Anthropoasis | vbat.org, page publiée le 9 novembre 2005 (visitée le 23 avril 2024), disponible sur: https://vbat.org/article249