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Ahmad’s Cairo Night

Vincent Battesti , Nicolas Puig

Une nuit au Caire
Avec le maître Ahmad Wahdan (chant, luth arabe et accordéon)
Musiques et ambiances urbaines
Une proposition de Vincent Battesti & Nicolas Puig, 2016

 L’artiste
Ahmad Wahdan est un artiste populaire égyptien et l’un des derniers représentants de l’école de l’Avenue Mohamed Ali au Caire. Cette avenue — longtemps prestigieux centre de la musique en Égypte — est désormais fréquentée par des chanteurs et des instrumentistes issus des quartiers populaires environnants. Il s’agit de musiciens non-académiques et la plupart du temps non lecteurs. Ils exercent dans les mariages populaires, les soirées privées ou encore les muled (fêtes de saint dans le tissu urbain ancien).

Ahmad s’ancre dans une tradition urbaine et est dépositaire d’un important répertoire de chansons des années vingt (Hatgann, le second morceau du film) jusqu’aux années soixante- dix, chansons qu’il interprète en s’accompagnant au ‘oud (luth arabe) et à l’accordéon (acclimaté depuis des décennies à la musique arabe et ses quarts de ton). Il écrit et compose aussi ses chansons (‘atshan ya nour, le premier morceau du film).

 La mise en scène
Un musicien plutôt âgé, avec son luth et son accordéon, accompagné d’un percussionniste font face au public. Ils ne sont pas vraiment sur une scène, mais assis comme dans un café. L’ambiance sonore du Caire, diffusé sur les enceintes, emplit l’espace, nous transporte là-bas, en Égypte. L’intensité de cette ambiance varient et laisse toujours au premier plan la voix du maître. Ahmad chante, la voix brûlante du Caire. Derrière lui et son percussionniste, des images de la ville défilent, mélanges de photographies, de vidéos et de vieux films. Durant une heure et demie, Ahmad chante, mais aussi parle et raconte son Caire (nous traduirons en français). Le montage sonore qui l’accompagne — des ambiances « longues » auxquelles sont cousues en live (avec Live Ableton] des évènements sonores qui signent l’espace urbain égyptien — restitue les ambiances sonores du Caire, des plus ordinaires (oiseaux et traffic, appels à la prière et voix, marchands et enfants) aux sonorités élec- triques et sur-amplifiées des fêtes de mariage et des cérémonies de louange à Dieu et à son prophète. La musique et les sons s’entrelacent subtilement tout au long d’une promenade dans la nuit du Caire où le chanteur et son percussionniste nous délivrent le vieux répertoire des chansons urbaines, présence vivante d’un âge d’or égyptien.

 Traduction de la chanson Hatgann : Je deviens fou

Bîram al-Tûnisî, “ Dîwân Bîram al-Tûnisî ”, Maktabat Misr (n.d., années 20) ; traduction Dara Mahmoud et Nicolas Puig

Je deviens fou, j’aurais tant aimé ô mes frères ne pas être allé à Londres et à Paris,
Ce sont des pays modernes, propres, aimables et de bon goût et cela est irritant

On n’y trouve pas de gaillard marchant pieds nus en croquant des cœurs de salade
Ni de grand type traînant une canne à sucre qu’il suçote morceau par morceau 
Pas de graines de pastèque, de cacahouètes et de pois chiches à s’envoyer
Je deviens fou, j’aurais tant aimé ô mes frères ne pas être allé à Londres et à Paris

Pas de bonhomme au visage tuméfié emmené par la police 
Après avoir été arraché à la célébration de ses noces par une violente rixe
Mais les hommes se marient et pourquoi manque-t-on tant de discernement ?
Je deviens fou, j’aurais tant aimé ô mes frères ne pas être allé à Londres et à Paris

Pas de bonne femme blasée emplissant le monde de ses cris à l’aube
Car un proche du frère du mari de sa tante Um Ahmad est mort
Mais bon dieu, que nous importe cette mort
Je deviens fou, j’aurais tant aimé ô mes frères ne pas être allé à Londres et à Paris

Pas de poursuite en pleine rue entre deux individus
Dont l’un hurle à l’autre, je vais finir par t’avoir, fils de femme légère
Mes frères, la rue n’est pas un champ et nous ne sommes ni des poulets, ni des chèvres
Je deviens fou, j’aurais tant aimé ô mes frères ne pas être allé à Londres et à Paris

Pas de marchand réclamant vingt piastres pour une chose que l’on aura pour une
Mes frères, même une aiguille nous l’obtenons dans les cris et la douleur
Avec force invocations, sueurs et tractations et peut-être même des claques, ô très haut
Je deviens fou, j’aurais tant aimé ô mes frères ne pas être allé à Londres et à Paris

Je deviens fou, j’aurais tant aimé ô mes frères ne pas être allé à Londres et à Paris
On n’y est pas assailli par des centaines de Sa‘îdi-s avec leurs billets de loterie
Ni entouré de milliers de cireurs convoitant nos chaussures
Mon Dieu, je hais les cafés et j’ai cessé de les fréquenter
Je deviens fou, j’aurais tant aimé ô mes frères ne pas être allé à Londres et à Paris.

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Vincent Battesti , Nicolas Puig , "Ahmad’s Cairo Night " (en ligne), Anthropoasis | vbat.org, page publiée le 21 octobre 2016 (visitée le 18 avril 2024), disponible sur: https://vbat.org/article766

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